Certains ont le mal de mer, moi j'ai le mal de vivre
24 ans, c’est l’âge que j’ai aujourd'hui. J’ai toujours voulue mettre sur papier mon vécu et mes pensées. Alors c’est le grand jour! Le but de tout ça n’est pas d’attirer la pitié des autres, mais de faire comprendre certaines choses. Si je réussi à faire comprendre tout ça à une seule personne ce serait déjà merveilleux.
Je vais commencer par vous décrire la vie que je menais il y a quelques temps. Tout d’abord je suis infirmière depuis déjà 3 ans, j’ai toujours eu des doutes par rapport à mon choix de carrière, mais une chose est sûre, je voulais exercer un métier qui me permettrait d’aider les autres. Alors j’ai choisi infirmière et j’ai laissé aller les choses tout simplement. 2013 fut l’année ou j’ai apprécié le plus mon travail. J’ai eu la chance d’obtenir un remplacement de jour sur une unité de réadaptation en psychiatrie. Durant les premières semaines, j’ai vécu un peu de stress, comme à chaque changement de milieu de travail au courant de ma vie. On s’entend pour dire que c’est tout à fait normal de vivre un peu de stress lorsqu’on vit un changement. Le stress nous permet de se dépasser et démontrer que quelque chose nous tient à cœur. Par la suite j’ai eu la chance de travailler avec une équipe extraordinaire, des liens se sont tissés et le matin quand je me levais, j’étais heureuse d’aller travailler. Durant presque un an, 9 mois pour être précise, j’ai vécu une vie agréable. Je travaillais temps plein de jour, et j’avais la chance d’exercer le plus beau sport, le patinage artistique ! Je travaillais le jour, je patinais le soir et je voyais mes amies et ma famille régulièrement au travers tout ça.
En mai 2014, j’ai commencé à découvrir qui j’étais vraiment. C’est comme si depuis toujours, j’avançais avec un bandeau sur les yeux et que soudain, quelqu’un avait tiré dessus, juste pour dire que je voyais un peu. Il était toujours en place, mais je voyais ce qui se passait par en dessous. C’est la que les questions existentielles ont débutées. Qui suis-je ? Qu’est-ce que j’aime réellement ? Avec la vie chargée que je menais, j’avais peu de temps pour réfléchir à tout ça. 1 mois plus tard, sans que je m’y attendre, le bandeau est tombé ! J’ai découvert celle que j’étais vraiment, mais que je cachais... ou plutôt celle que je refusais de voir. J’aimais les femmes ! Et oui, c’était bel et bien vrai. Plutôt que de l’accepter, je me suis effondrée. Mon rêve de petite fille de marier mon prince et de fonder une famille traditionnelle venait de s’envoler. Depuis que j’ai 18 ans, j’étais prête à avoir des enfants. J’attendais le bon garçon et la je me rendais compte que ça arriverait jamais. Je voulais fonder MA famille à moi ! La famille dans laquelle j’ai grandi est plutôt particulière, elle a ses lots de difficultés et de problèmes. J’ai tout de même fini par l’accepter avec les années, c’était ma famille et je n’avais surement pas atterris là pour rien ! Bref, revenons au moment où j’ai découvert la vrai Mélanie. La découverte de mon orientation sexuelle peut paraître banale, mais pour moi, c’était comme si tout s’était éteint. J’ai continué à mener la vie chargée que j’avais en essayant de mettre ça de côté et en refoulant le tout. La fatigue et la tristesse se sont installées, mais c’était « OK », car j’avais toujours su faire face à mes problèmes et mes émotions.
En septembre 2014, on m’apprend la fin de mon remplacement sur lequel j’étais au travail. J’ai décidé d’appliquer sur un poste d’une autre unité en psychiatrie. Je l’ai obtenue et à la fin du mois, le changement d’unité s’est effectué. J’ai commencé à vivre de l’anxiété et aller au travail est devenue difficile pour moi. Ce n’est pas toujours évident de vouloir aider les autres, quand nous même ça ne va pas ! Rajoutons tout ce qui vient avec une clientèle souffrant de colère, de désorganisation etc. Je terminais de travailler et à chaque fois, j’explosais en embarquant dans mon auto en me rendant chez moi. Ma voiture était devenue ma cachette, l’endroit où je laissais sortir mes émotions. Malgré tout ça, je continuais à travailler et exercer mes loisirs en affichant un sourire malgré la fatigue et le mal être que je vivais en moi.
Octobre 2014, j’en suis venue à me demander si ça valait la peine de continuer, de me battre, de vivre quoi. Au début j’y pensais quelques fois par jour, puis plus les journées passaient, plus j’y pensais. J’étais encore capable de confier le tout à ma meilleure amie qui était là pour m’épauler. C’était la seule à savoir que je traversais tout ça. Un jour, le 8 octobre, tout a changé. L’envie de mourir, de mettre fin à mes souffrances, mon anxiété, ma tristesse et surtout mon mal de vivre est devenue une obsession. Celle-ci a prise complètement le contrôle sur moi. Durant la soirée, je me promenais chez moi et tout ce qui me passait par la tête c’était : « pilules? Pendaison? Accident de voiture? Monoxyde de carbone? Je ne voulais pas causer de mal à personne, décevoir ma famille, mes amies ou mes collègues, mais j’en pouvais plus ! J’ai fait un appel au programme d’aide aux employés pour pouvoir bénéficier des services d’une psychologue, mais rendu la ce n’était plus suffisant. J’ai alors décidé de laisser ça entre les mains de ma meilleure amie, car j’étais perdue et je n’en pouvais juste plus. Par la suite c’est vague un peu dans ma tête, mais celle-ci m’a amené au CHUL pour que je reçoive de l’aide. Ce n’était pas évident, car je travaillais en psychiatrie à L'hôpital près de chez moi et on voulait un minimum de confidentialité. Alors pas le choix d’aller dans un autre secteur. L’obsession de mourir demeurait, j’ai été hospitalisée en psychiatrie, ça faisait vraiment bizarre de me retrouvé dans une chambre plutôt que le poste infirmier ! Les 3 premiers jours, c’était carrément l’enfer. Je pleurais 24h sur 24, j’étais épuisée et déconnectée de la réalité. Je voyais mon psychiatre tous les jours et une médication a été débutée. Moi qui est anti-pilules, je leur ai donnée carte blanche malgré ma réticence. Même avec tout ça, je voulais toujours mourir, les mêmes choses me passaient en tête à répétition : « je n’accepterai jamais le fait d’aimer les femmes, je n’aurai jamais d’enfant, je ne veux plus vivre, j’ai aucune raison de continuer cette vie de merde ». J’ai tenté de me sauver pour aller me jeter devant une voiture, mais ça pas marché on m’en a empêché. J’ai par la suite passé une nuit en isolement, cette nuit là, j’ai décidé de parler. Personne n’était au courant exactement de ma situation à l’hôpital. Seulement ma meilleure amie savait ce que je traversais. J’ai dit à l’infirmière : « Là je vide mon sac, soit attentive car je ne répéterai pas 2 fois. » Je lui ai tout raconté et je me suis sentie un peu mieux par la suite, la médication que j’avais reçue en arrivant dans la chambre d’isolement a fait effet et je me suis endormie. Chose que je n’avais pas fait depuis plusieurs jours. Le lendemain et les 3 semaines qui ont suivies, je me suis laissé une chance de m’en sortir. Le 26 Octobre, j’ai réussi à avoir mon congé de l’hôpital après une longue négociation avec l’équipe médicale. Les journées qui ont suivies étaient « pas si mal ». J’ai revue ma famille, mes amis et recommencé certains loisirs. J’ai retombé dans mon mode survie si on veut.
15 Novembre, ça recommence ! Les mêmes symptômes en plus des effets secondaires de la médication. J’ai décidé de cesser mon Lithium, car pour moi il était inutile, j’ai toujours vécue dans mes extrêmes et passer du down aux périodes plus accélérées. De plus, il y avait une sorte d’association qui se faisait dans ma tête envers ma famille, j’avais peur d’être comme eux. Je refusais et je refuse toujours de croire que je suis comme mon père et mes frères. J’ai cependant poursuivie mon antidépresseur et le médicament contre l’insomnie. J’ai toujours été assidue dans la prise de ma médication. Depuis ce temps, tout l’espoir repose sur les maudites pilules. Wellbutrin, Lithium, Désyrel, Ativan, Imovane, Lamyctal, certains croient qu’il y aura une pilule magique pour me « guérir ». Je suis complètement découragée de voir que mon mal de vivre est toujours présent. J’ai de la difficulté à l’expliquer. C’est comme quand on n’est vraiment pas confortable dans ses vêtements et que ça urge de les changer. Sauf que moi, c’est qui je suis qui est inconfortable et ça je ne peux pas l’enlever. Du plus loin que je me souvienne, j’ai senti ce mal être, mais je croyais que c’était normal, que tout le monde était comme ça. C’était cependant acceptable et je vivais du mieux que je pouvais avec ça. Mais là, ça m’empêche de vivre et d’être heureuse. Je ne suis plus capable d’exercer le métier pour lequel j’ai travaillé si fort, je n’avais jamais pensé passer de l’infirmière à la patiente. Je sens que je ne suis plus la même personne, j’ai perdue ma concentration, mon autonomie, mon esprit vif et mon sens des responsabilités. Comme je dis souvent je me sens perdue, un peu comme si mon cerveau était défectueux, brisé et que rien ne puisse l’arranger. Oui j’ai des périodes dans mes journées où ça va bien, que je suis capable d’éprouver du plaisir, mais mon mal de vivre demeure en moi et l’envie de mourir me traverse parfois encore l’esprit. La femme que j’étais est disparue, au plus profond de moi, je sais que rien ne peut changer ça, aucune pilule ne peut le régler, aucune personne ne peut le changer et que probablement, un jour je ne serai plus assez forte pour continuer.
Ps: Je ne veux pas me suicider, alors pas de panique !